Nous inaugurons aujourd’hui une nouvelle rubrique. Le principe ? Boris Cuisinier explore la scène musicale underground des quatre coins du monde pour faire parler les groupes de leur ville d’origine. Entrée en matière avec le groupe de garage punk de Sydney Bachelor Pad.
De The Easybeats à Eddy Current Suppression Ring, en passant par Primitive Calculators, The Saints ou encore The Go-Betweens : le rock indé australien a toujours eu ce petit supplément d’âme rendant son histoire captivante. D’autant que cette dernière continue de s’écrire avec un panache toujours intact. Si aujourd’hui Melbourne capte l’attention au premier coup d’œil, d’autres villes ont leur mot à dire. Sydney, par exemple, qui possède une scène alternative toujours florissante. Derrière les incontournables Royal Headache se pressent en effet quelques outsiders magnifiques dont Bachelor Pad fait partie. Un groupe immédiatement sympathique qui ne cache pas son amour pour l’enregistrement lo-fi et les riffs garage punk balancés avec un je-m’en-foutisme salvateur. Une attitude et musique débraillées qui ne les ont pas empêché de reverser toutes les recettes de leur deuxième LP (Bachelor Pad Is For The People) a une association venant en aide à l’intégration des populations indigènes. Rencontre avec Huw, membre de cette attachante troupe de crétins influencés par les bières bon marché et le poulet épicé (sic), qui nous parle de Sydney avec franchise et humour.
Tes premiers souvenirs de Sydney.
Ils ne sont pas très positifs. Ma famille a déménagé ici en 1998. À l’époque une épidémie de giardiase sévissait, rendant l’eau impropre à la consommation. On devait donc la faire bouillir avant de pouvoir en boire la moindre goutte. Tu imagines bien que pour un gamin de neuf ans c’est l’enfer sur terre.
L’attraction touristique que tu n’as jamais faite.
Je ne suis jamais monté dans la Centrepoint Tower, la tour la plus célèbre de Sydney. C’est simplement une immense tour de merde, comme il y a en a dans toutes les grandes villes, non ? Je ne vois pas l’intérêt.
Le premier endroit où tu emmènes les nouveaux venus en ville.
On va manger un bout chez Don Don sur Oxford Street. C’est un restaurant japonais très abordable où la nourriture est aux petits oignons. Certes ce n’est pas très australien mais qu’est-ce qui l’est vraiment de toute façon ? N’en déplaise aux racistes attardés qui grouillent ici, si l’Australie est un beau pays c’est avant tout grâce au multiculturalisme.
Le meilleur spot pour ne rien faire.
Sans hésiter : la Gordon’s Bay. Le lieu est pittoresque, très calme ; c’est idéal pour passer une après-midi tranquille au bord de l’eau. En plus tu peux amener ta glacière pleine de bières, personne ne t’emmerdera.
Tes promenades préférées.
Sydney est une ville assez étendue et disparate, pour ne pas dire mal foutue. Les balades sont donc assez limitées et le mieux est de vadrouiller dans des petits quartiers. Darlinghurst ou Potts Point par exemple, c’est toujours agréable.
Le quartier que tu détestes.
Détester est peut-être un peu fort mais disons que j’ai du mal à supporter Newtown, et tout l’ouest profond globalement. La population est atroce, des gens bien-pensants qui voudraient presque qu’on leur donne une médaille parce qu’ils vivent en banlieue.
Le lieu confidentiel que tu adores.
Ce n’est pas branché de s’en vanter mais j’aime beaucoup vivre dans la banlieue est. Certes le voisinage est rempli de vieux blancs pleins aux as ainsi que d’abrutis fans de nature et de bien-être mais on y trouve d’excellents bars. Et ne pas être réveillé à toute heure par des junkies qui font des concours de hurlements sur la pelouse est aussi quelque chose d’appréciable.
La meilleure légende urbaine.
C’est bête mais ça me fait toujours rire : à l’école primaire il y avait ce gamin qui se ventait du boulot de son père, soi-disant laveur de vitres sur le Sydney Harbour Bridge, le pont emblématique de la ville. Le hic c’est qu’il n’y a jamais eu de vitres sur ce machin.
L’événement culturel incontournable.
Le Sydney Festival est un des meilleurs moments de l’année. Il se déroule courant janvier, au milieu de l’été ; tout le monde est de bonne humeur et il y a des concerts (souvent gratuits) partout dans la ville. A titre d’exemple, en 2015, j’ai vu Blank Realm à minuit dans la salle The Spiegeltent : un moment mémorable.
L’œuvre artistique qui parle le mieux de Sydney.
L’album Hi-Fi Way de You Am I est une belle ode à Sydney. Il n’y a pas beaucoup de références explicites à la ville mais il saisit à merveille sa véritable personnalité.
Les reproches que tu ferais à Sydney aujourd’hui.
La vie nocturne se meurt. On vit une période sous tension où les gens se révoltent contre des lois abusives à propos de la consommation d’alcool. En résumé : tu ne peux plus acheter d’alcool à emporter passé 22h ou simplement entrer dans un bar ou un club après 1h30. Et même si tu as réussi à trouver un endroit, tu ne peux consommer que jusqu’à 3h du matin. Les conséquences ont été immédiates et des pubs historiques ont mis la clé sous la porte. Sans parler des groupes de musiques qui n’ont plus aucune marge de manœuvre pour jouer. Ambiance ville fantôme garantie.
Aimerais-tu passer le reste de ta vie ici ?
Oui…à condition que je gagne au loto ou que je braque une banque, sinon je ne pourrai jamais m’offrir une maison.
As-tu un artiste local à nous présenter ?
Malgré la situation de la vie nocturne et une médiatisation en berne (on regrette énormément l’arrêt de Crawlspace et le changement de ligne éditoriale de Mess+Noise) la scène musicale reste prospère. Je vous conseille de jeter une oreille à Den, Sex Tourists et White Dog. Les groupes commencent à ranger leurs guitares et à s’essayer aux synthétiseurs, c’est passionnant à suivre.