La photographe Lindsey Rickert vient de publier un ouvrage de photos des derniers cinémas drive-in américains, né d’un road trip de près de 20 000 kilomètres aux Etats-Unis. Interview et retour en photos sur ces symboles culturels populaires de l’Amérique des années 50.
Pendant un peu plus de deux mois, Lindsey Rickert a sillonné les routes des Etats-Unis pour capturer avec son appareil photo un maximum de drive-in. Au fil des près de 20 000 kilomètres parcourus, cette photographe de Portland (Oregon) a immortalisé ces cinémas en plein air d’un autre temps, symboles d’une Amérique d’hier en voie de disparition. Alors qu’elle vient de publier une sélection des photos prises lors de ce road trip dans l’ouvrage Drive-In America, nous lui avons demandé de revenir sur la genèse de ce projet et de nous conseiller quelques drive-in où se faire une bonne toile !
Pourquoi avoir décidé de lancer une série photographique sur les drive-in ?
Les drive-in sont une partie importante de mon enfance : je jouais à chat sous le grand écran et je mangeais beaucoup trop de pop-corn avant de m’endormir entre les deux films de la séance sur une pile de couvertures. L’expérience était tellement spéciale. En vieillissant, j’ai complètement oublié cette icône américaine. Tout a changé pendant l’été 2013, quand j’ai assisté à un shooting au 99W Drive-In, situé à Newberg dans l’Oregon. Mon obsession de documenter ces icônes perdues ou menacées de disparition a commencé.
Depuis quelques dizaines d’années, le nombre de cinémas en plein air diminue rapidement. On en comptait plus de 4000 à la grande époque pendant les années 50. Aujourd’hui, au moment de la publication de mon livre, il en reste moins de 400 qui projettent encore des films. En 2013, l’industrie cinématographique a annoncé une conversion complète au digital, faisant du film en 35 mm une relique du passé, au même titre que tous les projecteurs que ces cinémas utilisaient auparavant tous les soirs pour projeter des films. Le poids des 80 000 euros d’investissement nécessaires pour financer un projecteur digital a été particulièrement lourd pour les cinémas en plein air, qui ont une activité saisonnière.
Pour ceux qui s’en souviennent et pour moi, les drive-in sont un grand symbole du passé des Etats-Unis, une relique de l’histoire laissée de côté au profit d’un monde surdigitalisé. Ce projet avait pour but d’explorer une facette de ce changement. Les ruines d’un drive-in sont l’incarnation physique d’objets et d’idées rendues obsolètes par les avancées technologiques. On ne peut pas complètement attribuer à la technologie ou à la sociologie ce changement de perception et de notre façon de vivre. Cependant, travaillant dans la photographie, un medium qui a été profondément transformé pendant les vingt dernières années par les avancées digitales, il m’est difficile de ne pas être fascinée par la façon dont ces changements impactent notre culture et notre manière de vivre.
Avec ce projet, je souhaitais aussi explorer une seconde dimension, moins liée aux drive-in mais plutôt à ma propre identité : être finalement capable de réaliser que la notion de road trip et la possibilité de « se trouver soi-même » sur la route est souvent quelque chose de romantisé. En n’ayant que la route à perte de vue devant et derrière moi, cela a été une occasion de découvrir l’Amérique et peut-être une chose ou deux sur moi également.
Quels sont tes drive-in toujours en activité favoris ?
C’est toujours une question difficile car je reçois constamment des mails de personnes m’indiquant des super drive-in toujours en activité que je n’ai pas eu l’occasion de découvrir pendant mon périple…
Voici le top 3 des cinémas que j’ai découverts pendant mon road trip (sans ordre particulier) :
99W Drive-In (Newberg, Oregon)
Celui-ci aura toujours quelque chose de spécial pour moi parce que c’est là que le projet est né. Et son propriétaire, Brian Francis, a été incroyablement accueillant et gentil quand j’ai commencé mes recherches pour ce projet. Il a été une vraie mine d’informations et je lui suis tellement reconnaissante d’avoir eu la générosité de partager avec moi tant d’histoires.
Valle Drive-In (Newton, Iowa)
Je n’ai pas choisi celui-là uniquement parce qu’il est situé dans l’Etat où j’ai grandi mais aussi parce que pendant tout le voyage j’étais désespérément à la recherche de ces vieilles enceintes que vous accrochiez à l’époque à la fenêtre de votre voiture. Ce n’est que pendant la dernière semaine et demi de mon périple que je suis finalement arrivée à Valle Drive-In et que j’ai pu voir que les premiers rangées de voitures utilisaient ces enceintes d’origine datant de 1942. Elles fonctionnaient toujours, j’étais tellement excitée !
Delsea Drive-In (Vineland, New Jersey)
M’arrêter au niveau de la marée de voitures amassées en attendant d’entrer dans le drive-in Delsea a été une expérience unique. En voyant cette longue file de voitures, il faudrait être fou pour penser que les drive-in sont en difficulté. Le Delsea est une machine bien huilée et l’équipe gère parfaitement tous les aspects de ce qu’elle fait.
Penses-tu que ces cinémas en plein air sont amenés à disparaître dans les années qui viennent ?
Je ne pense pas qu’ils disparaitront un jour. Bien que leur nombre ait drastiquement diminué depuis son âge d’or dans les années 50, on trouve toujours dans le pays un vrai amour des cinémas en plein air et de ce qu’ils représentent. Des collectifs se sont montés et sont sont battus pour les sauver. Et de nouveaux cinémas en plein air ont même ouverts leurs portes depuis que j’ai commencé ce projet !
En savoir plus sur le projet Drive-In Theatres : https://lindsey-rickert.squarespace.com/drive-in-theaters
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