EurNoVision ressemble un peu à une édition de l’Eurovision telle qu’on l’imagine dans nos rêves les plus fous ! Une sélection de groupes européens underground, créatifs, inventifs, qui repoussent les frontières des genres musicaux. Découverte d’une autre vision du meilleur de la création musicale en Europe en dix-sept titres.
Nous recevons beaucoup de mails de musiciens ou de labels nous faisant part de leurs nouvelles sorties et albums. Mais peu nous ont rendu aussi euphoriques que celui du musicien irlandais Paul Mangan, membre du groupe Clockwork Orchestra ! Ce dernier a créé en 2015 la série de compilations EurNoVision. Son idée ? Rassembler tout ce que l’Europe compte de musiciens de l’ombre, en marge et inclassables. Sa compilation 2016 est une photographie musicale du meilleur de la scène underground européenne du moment. Sur le tracklisting : quelques uns de nos chouchous, comme J.G.G., Marie Mathématique ou Logosamphia, et plein de découvertes.
Pourquoi et comment as-tu créé EurNoVision ?
J’ai tourné en Europe avec mon projet musical Clockwork Orchestra pendant plusieurs années. A cette occasion, j’ai croisé de nombreux groupes et artistes de tous horizons qui jouaient dans des lieux de concerts similaires à ceux où je me produisais. Certains d’entre eux font des musiques uniques ou difficiles à définir et n’ont pas d’autre choix que de jouer à l’étranger pour se rapprocher d’une certaine scène ou trouver un public. C’est particulièrement vrai pour les groupes venant de petits pays. Alors je me suis dit que ça serait chouette d’apporter ma petite contribution pour essayer de rassembler tout ce monde. En clair, c’est un moyen de mettre en lumière de la musique qui mérite d’être écoutée.
J’ai commencé à parler de cette idée avec des amis et des collaborateurs et après avoir bien avancé sur le sujet, nous avons décidé de lancer le projet en 2015. La première compilation, sortie par le label anglais Soft Bodies Records, inclut des groupes comme Felix Kubin, Mary Ocher et DAT Politics. Cette année, la sortie a bien failli de pas se faire pour plein de raisons mais, au final et contre toute attente, elle est là juste à temps pour Noël !
Comme son nom le laisse entendre, on imagine que tu as créé le projet en réaction à l’Eurovision ?
Je vois plus ce projet comme une version alternative à l’Eurovision que comme une réaction. Si l’Eurovision se donnait des airs de bastion de la crédibilité alors peut-être qu’EurNoVision serait davantage créé en opposition. Mais l’Eurovision est surtout vu comme quelque chose de “fun” au mieux, une connerie vide de sens au pire donc cela ne serait pas logique d’en faire une cible. Ceci dit, bien entendu, c’est dommage qu’il y ait aussi peu de place à la télévision pour de la musique intéressante et originale.
Que penses-tu de l’Eurovision ?
Venant d’Irlande, le pays qui a gagné la compétition plus souvent qu’aucun autre, je suis certainement plus sensibilisé à l’Eurovision que je n’aimerais l’être ! J’aimais bien regarder l’émission à la télé quand j’étais enfant, plus pour les parties où ils se rendaient dans chaque pays pour connaître le score des participants que pour la musique elle-même. Ces moments étaient étrangement austères et complètement en décalage avec la musique ridicule qui était diffusée. Aujourd’hui, la compétition semble plus être une bataille pour le meilleur gimmick mais, par le passé, il y a eu eu quelques chansons classes, avec France Gall ou Franco Battiato par exemple.
Pourquoi as-tu senti le besoin de proposer une alternative à l’Eurovision ?
Je pense que le but principal était d’une certaine manière d’unifier les scènes underground de différents pays en Europe. Nous prévoyons aussi de décliner EurNoVision en magazine ou en podcast dans un futur proche pour prolonger cette action dans ce sens.
Comment les groupes présents sur la compilation sont-ils sélectionnés ?
Les groupes sont sélectionnés de différentes façons. Je dirais qu’environ 50% des musiciens présents cette année sont des personnes que j’ai rencontrées en personne ou que des amis ou moi-même apprécions. Quatre participants nous ont contactés directement par email. Et le reste provient de recherches sur Internet et de phrases saisies de façon obsessive sur Google comme « weird music Serbia » ou « strange band Belgium » ! L’an passé, plusieurs groupes ont été trouvés via le blog Eastern Daze. Et, cette année, j’ai découvert J.G.G, qui représente la Catalogne, via un article d’Indie Guides sur la scène underground de Barcelone.
Parle-nous des groupes présents sur cette édition…
C’est un vrai mix… Certains titres pourraient être définis comme de la pop lo-fi – Il Culo Di Mario (Italie) ou The Gathering Doubt (Royaume-Uni) par exemple – alors que d’autres musiciens comme R.A.N (Turquie) ou Dancing Deadlips (Pologne) sont plus abstraits ou plus difficiles à appréhender pour les personnes plus attachées aux structures traditionnelles. Mr Diagonal’s Midlife Crisis (Belgique) rappelle l’excentricité du groupe The Bonzo Dog sur son morceau « Glad To Be A Freak @40 » alors que la piste “Hologram” fournie par EPP (Serbie) ne serait pas loin d’avoir sa place sur un album des Residents.
Sur la compilation, tu as décidé d’inclure des territoires disputées ou non reconnus formellement, comme la Catalogne, l’Ecosse ou le Pays Basque. Pourquoi ?
L’an passé, les musiciens de Motor Combo avaient indiqué qu’ils préféreraient représenter la Catalogne plutôt que l’Espagne. Et Quimper représentait l’Ecosse au lieu du Royaume-Uni alors que le sujet était chaud seulement un an après le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Donc l’idée d’inclure des pays non reconnus est née de là… La notion même de pays est changeante avec EurNoVision : la question est plus de savoir avec quel territoire les musiciens s’identifient le plus.
Cite une chanson que tu aimerais voir gagner l’Eurovision 2017
Difficile… je dirais « If The Internet Got Wet? », le morceau irlandais de la compil EurNoVision (le groupe s’appelle French Radio Constellation, ce qui est assez déroutant). Le titre du morceau est incroyable et j’ai envie que l’Irlande continue de manière inexplicable à dominer la compétition !
Photo : Il Culo Di Mario
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