Lors de ses courtes mais intenses années d’activité dans le quartier de Williamsburg à Brooklyn, Death by Audio s’est positionné comme un lieu de concerts underground iconique, accueillant des performances d’artistes tels que Ty Segall, Deerhoof, Thee of Sees ou Dan Deacon. Mais, en 2014, la cession du bail de Death By Audio au groupe de médias Vice a coupé court au rêve. Seul point positif de cette triste fin : un documentaire est né des cendres de Death by Audio. Goodnight Brooklyn: the story of Death by Audio documente les derniers jours de cet endroit unique.
En 2007, Matt Conboy a fait le pari un peu fou de louer tout le rez-de-chaussée d’un entrepôt de Williamsburg, avec une bande de potes. Pour payer le loyer, ils ont décidé de commencer à organiser des concerts de rock. Death by Audio était né. Mais l’aventure a tourné court en 2014, lorsque les onze colocataires ont appris que la société de médias Vice allait bientôt s’installer dans l’entrepôt. La productrice Amanda Schultz, le cinématographe Jonathan Yi, l’éditeur Andrew Ratzlaff et une équipe fournie de cameramen ont alors uni leurs forces pour tourner le documentaire Goodnight Brooklyn – the story of Death by Audio. Le film a été présenté pour la première fois le 14 mars dernier au festival SXSW à Austin, au Texas. Symbole de toute une époque où Brooklyn était le centre du monde pour tous les amateurs de musique, Death By Audio a marqué durablement la scène new-yorkaise. Rencontre avec Matt Conboy.
Dans quel esprit a été créé Death by Audio ?
A une époque, on pouvait y trouver tout ce dont on a besoin pour produire de la musique. Il était possible de tout faire à Death by Audio : de l’enregistrement des chansons jusqu’au concert de lancement de l’album en passant par la réalisation de la pochette du disque. L’esprit DIY de cet espace se manifestait par un esprit de liberté, d’opportunité et d’inspiration mutuelle. Les seules choses qui pouvaient vous arrêter étaient le manque de travail ou d’inspiration.
Comment s’est développé le lieu ?
Death by Audio s’est forgé une sacré réputation au fil des années. On a vu passer des gens de la côte Ouest des Etats-Unis et du reste du monde. Edan Wilber [le manager de Death by Audio] n’arrêtait pas de chercher de nouveaux groupes et il était infatigable quand il s’agissait de les convaincre de venir se produire à Death by Audio. La musique lui tenait vraiment à cœur. Les groupes qui ont joué chez nous étaient souvent orientés vers le rock, mais dans une conception très large. On a même accueilli une performance d’un orchestre de chambre et d’un joueur d’une vieille guitare qui n’est plus fabriquée aujourd’hui.
Comment était la scène musicale à cette époque ?
A partir des années 1999-2000 et jusqu’à 2008, Williamsburg a été le siège d’une communauté de rock expérimental florissante. Des groupes comme Animal Collective, Tv on the Radio, The Liars, Yeah Yeah Yeahs… connaissaient le succès d’une certaine manière. Ils cherchaient à créer quelque chose de nouveau, plus qu’à avoir du succès, ce qui rendait cette scène intéressante. Aux débuts de Death by Audio, on pouvait trouver au moins une douzaine de lieux similaires à Brooklyn, et tous défendaient un vrai esprit DIY comme nous.
Pourquoi avoir décidé de produire ce documentaire ?
Notre propriétaire nous a annoncé que nous allions devoir déménager car la société de médias Vice allait prendre notre place à la fin de notre bail. Quand j’ai raconté toute l’histoire à ma productrice Amanda Schultz, elle a immédiatement voulu faire quelque chose. Le projet lui tenait vraiment à cœur alors nous nous sommes lancés dans la réalisation d’un documentaire. John, un vieux copain photographe, a rallié d’autres personnes à notre projet. Nous avons interviewé tellement de personnes que le studio d’enregistrement s’est transformé en cabine d’interview pour le documentaire.
Comment est-ce que la scène musicale de Brooklyn a évolué depuis la fermeture de Death by Audio ?
Maintenant, la plupart des salles de concerts se trouvent à Bushwisk et à Ridgewood. C’est un peu plus compliqué dans ces quartiers parce que ce sont des zones résidentielles. De notre côté, nous avions mis a profit un endroit abandonné et en désolation. Il n’existe plus qu’une poignée de salles underground à New York. Celles-ci ont fait place à des établissements légaux. Pour les musiciens et les artistes, Brooklyn n’est plus le paradis qu’il était, parce que le prix des loyers a beaucoup augmenté. Et, aujourd’hui, la musique underground tourne surtout autour de l’electro et des synthétiseurs. Mais, bon, tout ceci est en constante évolution.
Un futur est-il envisageable pour Death by Audio ?
Je mène à présent une vie ‘normale’, je partage un appartement avec ma copine. Mais c’est possible. Si les bonnes circonstances se présentaient et que nous trouvions un endroit approprié, peut-être… Mais nous ne voulons pas gêner les gens. Et si jamais dans vingt ans notre documentaire en inspire certains, ça serait génial ! Mais tout cela est vraiment difficile à prédire aujourd’hui…