Cachée à l’extrémité est du Canada, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la côte américaine, la province de la Nouvelle-Écosse est un territoire méconnu du grand cirque touristique. Pourtant celui-ci regorge d’atouts, avec une nature sauvage et des villes dynamiques. Pour en savoir plus, nous avons contacté Sam Hill, guitariste, chanteur et compositeur au sein de The Everywheres ; un groupe qui berce depuis quelques années nos longues soirées d’hiver de sa langoureuse pop psychédélique. Originaire de la capitale Halifax, il nous fait découvrir « la plus grande petite ville du monde », une cité active et chargée d’histoire où il semble faire bon vivre.
Les adresses incontournables quand on débarque en ville ?
Si un bon concert est programmé, direction le Gus’ Pub. Il est là depuis toujours, à l’angle des rues North et Agricola, dans le quartier North End. Avec un concert tous les soirs de la semaine, il y en a pour tous les goûts. En plus, une rumeur raconte qu’ils ont un nouveau tapis et une nouvelle sono. Mais, avant ça, on peut aussi aller, toujours sur North Street, au café Java Blend. Depuis 1938, le café y est torréfié sur place pour un résultat exceptionnel. J’y travaille, donc je ne suis pas très objectif, mais c’est peut-être le meilleur café du monde. En plus, les employés sont extrêmement gentils. Sinon, côté restos, ma préférence va à Jincheng, situé dans la rue Dresden Row. Ils servent d’excellentes spécialités du Sichuan, les meilleures que j’ai pu manger. Et, dans la salle, il y toujours ce petit garçon scotché devant des dessins animés, c’est mignon.
Un spot confidentiel ?
Halifax étant une ville condensée et péninsulaire, il est difficile de trouver un endroit que personne ne connaît. Mais je peux quand même citer quelques lieux chouettes en dehors des sentiers battus. J’aime me balader du côté de South End, jusqu’au parc Point Pleasant. Surtout l’été, quand les étudiants des grandes facultés environnantes ne sont plus là. La nuit, on peut alors profiter de la magnifique ambiance lugubre qui règne au milieu des grands arbres. Plus récemment, j’ai apprécié traîner dans le parc Fort Needham, dans le quartier de North End, qui donne sur le port.
Le quartier que tu préfères éviter ?
Le sud peut devenir hystérique lors des tournois de ping pong… même si moi-même, je contribue parfois à cette folie. Sinon, la rue Young Street est vraiment immonde, sauf si tes passions sont les steaks et les chopes de bière.
L’endroit le plus exotique ?
De prime abord, Halifax n’est pas exotique, mais ça reste un lieu de convergence pour tout l’Est du Canada ainsi que pour beaucoup de cultures internationales. Pendant l’année scolaire, des étudiants débarquent de partout et investissent le South End, entre l’Université Dalhousie et celle de Sainte-Marie. Le nord de la ville est beaucoup plus traditionnel, c’est le quartier des travailleurs, installés là depuis des générations. Certains bossent dans les chemins de fer, la réparation de bateaux ou encore les entrepôts, des activités qui ont survécu à l’Explosion (ndlr : en 1917, une immense explosion – suivie d’un tsunami – causée par le choc entre deux navires a ravagé une partie de la ville). D’autres sont les descendants des loyalistes noirs (ndlr : esclaves ou immigrés d’origine africaine qui combattaient avec l’Empire britannique durant la guerre d’indépendance des Etats-Unis) qui vivaient dans la communauté d’Africville, avant que celle-ci soit honteusement détruite dans les années soixante et que sa population soit relogée de force. On trouve également des artistes, musiciens, activistes, qui sont venus là pour les loyers bas et l’espace. Mais aujourd’hui, comme partout, la gentrification gagne du terrain dans ces quartiers. Finalement, grâce à son histoire riche, toute la ville d’Halifax est un peu exotique. D’où que tu viennes, tu pourras y trouver ton compte.
L’attraction touristique que tu n’as jamais faite ?
Je ne suis jamais monté à bord du Harbour Hopper. C’est une espèce de camion peint en vert grenouille capable de se transformer en bateau et donc de voguer dans le port. Il est actif pendant l’été et permet aux touristes de visiter la ville. En théorie, ça a l’air pas mal, sauf que l’autre fois je me suis retrouvé coincé derrière alors que je que je conduisais le van de Java Blend vers le centre. J’arrivais à entendre le guide. Il a dû parler du Titanic pendant près de 39 minutes… je ne sais pas si c’est bon pour le karma d’évoquer ça dans un véhicule aquatique. Ah oui, au fait, l’histoire du Titanic, c’est notre grand truc ici.
La meilleure légende urbaine ?
Je vais éviter toutes les histoires de fantômes autour du Titanic ou de l’Explosion pour raconter directement ma favorite. Il faut savoir que dans le port il y a deux îles : McNabs Island et Georges Island. Sur cette dernière, il y a un phare et un ancien fort, le Fort Charlotte. Aussi, en haut du quartier Downtown, on trouve la Citadelle Hill, une fortification datant de 1749 et donc chargée d’histoire. La légende dit que depuis cette époque il y a des tunnels sous la ville qui, au départ, renfermaient une garnison militaire censée protéger la Nouvelle-Écosse des Français ou tout autre assaillant désigné par les Britanniques. Certains racontent que les tunnels partent de la Citadelle, traversent le centre-ville, puis passent sous le port jusqu’au Fort Charlotte. Il n’y a jamais eu de preuves concrètes mais cette légende attise ma curiosité. Cependant, le port étant un des plus profonds au monde, ça semble peu vraisemblable d’y creuser des souterrains. Mais on peut rêver.
Ta première décision en tant que maire ?
Ce n’est pas une question facile. Aussi loin que je me souvienne, le gouvernement de Nouvelle-Écosse, que ce soit au niveau municipal ou provincial, a toujours été déconnecté de la population. Peut-être que j’arrêterais de déverser l’argent public dans les trous formés par la démolition de nos magnifiques bâtiments historiques. Aussi, je descendrais dans la rue pour demander aux gens normaux ce qu’ils veulent, eux. Je pourrais m’exprimer longuement sur le sujet mais ça prendrait plusieurs pages et, comme je viens de le dire, je dois d’abord retourner avec les citoyens normaux.
Un événement culturel incontournable ?
C’est difficile de choisir, il y en a tellement. Le Jazz Fest, l’Obey Convention et Halifax Pop Explosion sont des festivals incontournables mais ils ne représentent que la partie immergée de l’iceberg. Ma coloc’ Erin a travaillé au Halifax Independent Filmmakers Festival cette année, c’était génial. Bien joué Erin.
Qu’est-ce qui te rend fier d’habiter ici ?
Plein de choses, mais la population avant tout, des gens qui travaillent dur, qui sont accueillants et tout simplement gentils. J’adore les accents aussi.
Qu’est-ce qui te fait honte ?
En tant que ville issue d’un empire colonial, il y pas mal de choses dont on peut avoir honte dans notre histoire. Et on en trouve encore des traces aujourd’hui… mais, heureusement, on a des gens géniaux qui essayent de régler ces problématiques.
Un slogan pour nous donner envie de venir en Nouvelle-Écosse ?
En voilà quelques uns que la ville a oubliés :
« La plus grande petite ville du monde »
« Viens profiter du brouillard salé qui caresse ta peau »
« Toronto ça craint, reste ici ! »
« Ici on préfère le brouillard au soleil »