Cinquante ans après l’enregistrement de l’album à la banane, la Philharmonie de Paris rend hommage au groupe qui a “permis au rock le passage à l’âge adulte” avec The Velvet Underground – New York Extravaganza. L’exposition, imaginée par Christian Fevret et Carole Mirabello, replace le Velvet Underground dans la communauté artistique dissidente où il s’est développé, au cœur d’un New York de plus en plus en proie au consumérisme.
Le fameux album à la banane du Velvet Underground n’a pas connu le succès qu’il méritait lors de sa sortie en 1967. Les thèmes décadents abordés par Lou Reed et John Cale ne plaisaient peut-être pas à la société de l’époque mais ont depuis séduits plusieurs générations de mélomanes. C’est donc avec une hâte non dissimulée que nous nous sommes rendus à l’exposition The Velvet Underground – New York Extravaganza, visible à la Philharmonie de Paris jusqu’au 21 août. Impressions.
A l’entrée, deux écrans géants divisés en neuf parties nous plongent dans l’Amérique des sixties. Cet arrangement de clips en noir et blanc et en couleur signé Jonathan Caouette a quelque chose d’envoûtant. Chaplin, des pubs pour du dentifrice ou des cigarettes, Kennedy, des montagnes russes, les Beatles ou encore des œuvres de Warhol s’enchaînent sans logique apparente. La culture populaire et consumériste de l’époque défile implacablement sous nos yeux. En fond sonore, une voix récite le poème America d’Allen Ginsberg. Le texte de la figure de proue de la Beat Generation s’oppose nettement aux vidéos diffusées par les écrans et incarne la contre-culture prônée par les artistes et les intellectuels de Greenwich Village. Nous voilà plongés dans le contexte qui a vu naître le Velvet Underground. Déjà, des sons émanant des pièces suivantes arrivent à nos oreilles, et l’on ne peut s’empêcher d’associer cet inconfort auditif à la complexité de la musique du groupe et au New York bouillonnant de l’après guerre.
Retour sur les racines et l’entourage du Velvet Underground
Dans les pièces suivantes, la lumière tamisée et les murs peints en noir font écho à l’aspect sombre et quelque peu malsain du groupe (le Velvet tire son nom d’un livre sur les déviances sexuelles, quand même !). Une vidéo d’Allan Rothschild retrace la jeunesse de Lou et de John jusqu’à leur rencontre. Un témoignage de la sœur de Lou, Merrill Reed Weiner, nous dévoile le contexte familial de l’adolescent, son amour pour la littérature, son asociabilité, la drogue, l’incompréhension et les silences définissant ses relations avec ses parents. Ce saut dans l’intimité des deux artistes est bienvenu. Il permet de mieux comprendre leur état d’esprit à l’époque et le contexte dans lequel s’est monté ce groupe hétéroclite.
Les grands trépieds ornés des silhouettes cartonnées des membres du Velvet Underground et de leur entourage qui ponctuent l’espace nous paraissent bien superflus. Mais parmi les archives présentées à leurs pieds vous trouverez de nombreuses pièces rares et des centaines de photos d’époque prises par des témoins de la carrière du groupe, comme Nat Finkelstein ou Gerard Malanga (la danse du fouet, ça vous parle ?). Les deux fondateurs du Velvet Underground, Lou Reed et John Cale, sont évidemment mis à l’honneur, de même que le guitariste et bassiste fou de rock’n’roll Sterling Morrison et la batteuse androgyne éprise de rythmes tribaux Moe Tucker. Une pièce est dédiée à Nico, dont la rondeur contraste avec les angles des autres pièces tout comme son habit blanc se détachait de la noirceur des vêtements des autres membres du groupe. On retrouve également entre autres les incontournables comme Andy Warhol ou Doug Yule, le remplaçant de John Cale, mais aussi Piero Heliczer, le premier à avoir filmé le groupe légendaire, Barbara Rubin, à l’origine de la rencontre entre le Velvet Underground et Warhol, ou Edie Sedgwick, une des superstars de la Factory de Warhol et la muse de “Femme Fatale”. Ce florilège de personnalités nous aide à nous enfoncer encore un peu plus dans le monde du Velvet Underground.
Une cabane musicale
Dans la salle suivante, une installation détonne des standards des expositions classiques et formera sûrement le souvenir le plus prégnant de notre visite : une cabane trône fièrement au centre de la pièce et occupe une grande partie de l’espace. Ce n’est d’ailleurs sûrement pas une coïncidence si nous y retrouvons la majorité du public, peu nombreux en ce mardi après-midi. Son sol recouvert de coussins invite au prélassement rêveur pour mieux profiter des mélodies langoureuses du Velvet Underground. Les paroles des chansons défilent sur le toit en toile de la cabane et complètent l’expérience. Si les vigiles ne nous poussaient pas vers la sortie à l’heure de la fermeture de l’exposition, nous aurions bien voulu passer la nuit dans cette capsule temporelle, loin, très loin de l’agitation parisienne contemporaine.
Le pari était osé. Contenter à la fois les experts et les néophytes sans que les uns restent sur leur faim et que les autres ne comprennent rien. Au fond, cette exposition est à l’image du groupe : riche et complexe, mais également assez brouillonne et impénétrable. Nous nous y sentons pourtant aussi un peu voyeurs en repensant à la manière peu avenante dont Lou Reed accueillait les journalistes et à sa répulsion à évoquer sa vie privée en interview. Mais nul besoin pour lui de se retourner dans sa tombe. Si un coin du voile a été levé sur l’intimité du groupe, ce dernier garde toujours cette aura de mystère qui a contribué à en faire un groupe mythique de l’underground new-yorkais.
Exposition : Du 23 mars au 21 août 2016
Cité de la musique – Philharmonie de Paris
221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris
Retrouvez plus d’adresses alternatives dans notre city guide (gratuit !) Indie Guides Paris.
Photos : Galerie Caroline Smulders, Adam Ritchie, Lisa Law