365 jours au cœur de la scène française avec French-o-rama

Patrice Mancino, c’est le genre de personnes qui prennent des bonnes résolutions le 1er janvier… à la différence près que lui s’y tient ! Depuis le 1er janvier 2017, il publie chaque jour une chronique d’un disque français sur le site French-o-rama. Objectif : 365 chroniques. Plongée dans la scène underground française dans toute sa diversité.


Il faut un peu de douce folie pour se lancer dans un éphéméride de la scène underground française, artiste par artiste pendant 365 jours. Ou une passion dévorante de la musique. Patrice Mancino a certainement un peu des deux. Il a 11 ans en 1981, année où les ondes FM sont libéralisées en France. Et 12 quand la radio musicale suisse Couleur 3 se lance. “Je suis tombé dans la FM avec grande joie. A l’époque, avant Internet, pour découvrir de la musique quand tu habitais en Normandie avec les côtes anglaises en vue, soit tu avais un grand frère qui te ramenait des disques de Londres, soit tu écoutais la radio”, détaille-t-il.

Mordu de radio, il crée lui-même une radio, Graf’Hit, en 1992 avec d’autres étudiants de Université de Technologie de Compiègne (ville au nord-est de Paris), toujours en activité. L’aventure dure une dizaine d’années. L’envie de faire découvrir la scène musicale française ne le quitte plus. Il lance en 2005 une série de showcases pour mettre en lumière des groupes émergents, sous le nom (déjà) de French-o-rama avant de lancer son label Quixote r.p.m. en 2007. Dix ans plus tard, French-o-rama renaît de ses cendres sous la forme d’un site web égrenant quelques unes des stars de l’underground français tout au long de l’année 2017. Rencontre avec un défricheur et playlist à écouter.

Pourquoi as-tu décidé de lancer le site French-o-rama ?

J’ai quitté mon travail à la fin de l’année dernière et j’avais du temps libre. Cela a plus été une impulsion qu’une décision raisonnée. J’avais découvert sur Internet l’existence d’un blog américain appelé One Record Per Day, qui a publié une chronique par jour pendant l’année 2013 avec une vraie logique de défrichage. Cela m’a donné envie de faire la même chose pour la scène française et de profiter de l’année 2017 pour en faire un état des lieux subjectif. Trop de groupes meurent sans vraiment trouver leur public. C’est certainement un peu utopiste et idéaliste mais j’espère pouvoir les faire découvrir.

Quatre mois après le lancement, tu tiens le rythme ?

Je suis un peu à flux tendu en ce moment, j’ai du mal à prendre de l’avance ! Je ne sais souvent pas la veille ce que je vais publier le lendemain. J’ai pourtant une liste encore longue de groupes dont je sais déjà que je veux parler. Et je découvre des groupes et on m’en fait découvrir constamment. Ils viennent grossir cette liste. Mais je m’impose aussi quelques règles tacites qui compliquent les choses : je ne veux pas parler deux fois d’un même groupe dans l’année donc j’ai tendance à attendre la sortie de leur disque. A la fin de l’année, j’aimerais aussi qu’on puisse écouter tous les artistes dans l’ordre et que cela s’enchaîne harmonieusement donc je pense l’artiste qui vient par rapport au précédent et au suivant… Cela serait plus simple sans toutes ces règles que je m’impose mais cela structure aussi mon travail.

Des musiques instrumentales au rock sous influence anglo-saxonne en passant par le reggae, le hip-hop, la chanson en français, etc., la sélection est très éclectique. C’est un parti pris ?

J’ai hérité ça de mon expérience à Graf’Hit. Mon passage à la radio m’a permis d’élargir mon spectre musical. Je suis tombé dans le hip-hop, la new wave, la musique industrielle, le métal… J’aime écouter de tout, à l’exception peut-être du jazz big band et de la hardtek… et encore ! On a tendance à enfermer les artistes dans des niches alors que leur culture dépasse bien souvent ce cadre étriqué. Mais les choses évoluent dans le bon sens. Je pense par exemple à un groupe comme Gablé. Il y a quinze ans, personne n’aurait compris ce qu’ils font.

Qu’est-ce qui fait la spécificité de la scène underground française actuelle ?

Les groupes ont appris à maîtriser les outils et la langue de leurs influences anglo-saxonnes. Certains pourraient botter le cul à plein de grosses stars internationales. J’en profite pour passer un message aux organisateurs de concerts : ça leur coûterait un zéro de moins de programmer ces groupes et la qualité serait là ! Les groupes français n’ont pas toujours eu cette capacité à digérer leurs influences même si les Thugs ont été signés chez Sub Pop et Métal Urbain a eu un contrat aux Etats-Unis. Les Belges, les Allemands ou les Danois avaient cependant moins de problème à digérer leurs influences anglo-saxonnes et leur accent anglais était moins mauvais. Mais cela change.

Et les groupes qui chantent en français ?

Je dois reconnaître que j’ai tendance à être plus difficile, j’ai besoin que ce soit vraiment bien fait. Il suffit de voir ma sélection sur French-o-rama. A peine plus de 10% des disques chroniqués à ce jour contiennent du chant en français. J’accorde une importance à l’univers sémantiques des textes. Mais je suis très ouvert : de Diabologum à Brigitte Fontaine, on a les deux extrêmes ! Plus récemment, je suis tombé à la renverse en découvrant Askehoug.

Comment s’annoncent les mois à venir pour French-o-rama ?

Le blog a déjà commencé à évoluer. Depuis février, les archives sont accessibles avec une mosaïque de pochettes. Depuis fin février, on trouve une playlist (cliquer sur le lien “Radio F-O-R”) qui permet d’écouter un titre de chaque artiste dans l’ordre de publication des chroniques. J’en profite d’ailleurs : Deezer, Spotify, toutes ces plateformes, c’est bien beau… mais aucune ne permet d’accéder à la totalité des artistes que je donne à écouter, certains titres sont inaccessibles. Autre nouveauté : fin mars, j’ai décidé de dévoiler la signification des pastilles de couleur qui accompagnent chaque chronique. Je n’aime pas les classements de style, qui me paraissent trop réducteurs. Ces pastilles permettent de donner une couleur musicale, ce qui enferme moins. Je pense aussi à décliner le projet dans une version audio…

Ton disque français du moment ?

Mon disque préféré, c’est le prochain que je vais découvrir ! Récemment, par exemple, j’ai beaucoup aimé Flavescences de l’Effondras.

Ton disque français de tous les temps ?

#3 de Diabologum, disque avec lequel j’ai commencé French-o-rama le 1er janvier ! Ce n’est d’ailleurs pas tant une chronique du disque qu’un témoignage de la baffe que je me suis pris dans la gueule la première fois que j’ai appuyé sur “play” pour lire ce disque.

La playlist 100% française de Patrice Mancino

Le site de French-o-rama : http://french-o-rama.xyz
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Photo : Alexandra Lebon

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