A Seattle, LoveCityLove transforme les friches urbaines en espaces culturels

Transformer des bâtiments abandonnés en lieux artistiques éphémères : l’idée n’est pas nouvelle mais prend tout son sens à Seattle. En plein boom immobilier, la ville n’a plus rien à voir avec le Seattle grunge des années 90. Bien décidés à continuer de promouvoir la scène culturelle underground de Seattle, des artistes locaux ont créé LoveCityLove pour faire vivre des lieux de création.


Seattle change… L’ancienne ville ouvrière et berceau du grunge fait désormais partie des villes qui se développent le plus rapidement aux Etats-Unis ! Les loyers augmentent et Seattle n’en finit plus de grossir. Autant de changements qui ont un impact majeur sur la scène culturelle de la ville ! Loin de s’apitoyer sur leur sort, les artistes de LoveCityLove y ont vu là une opportunité de réinvestir l’espace urbain : ils occupent des bâtiments abandonnés destinés à être détruits ou réhabilités et les transforment en des lieux culturels temporaires. Rencontre avec Jessa Carter et Julian Genette, deux des membres fondateurs du projet.

Quelle est l’idée derrière LoveCityLove ?

Nous “activons” des bâtiments/espaces en attente d’être reconstruits. Dans une ville comme Seattle, qui grossit très vite, ces lieux sont nombreux. Et des baux pour une durée si courte n’intéressent pas vraiment les gens puisque les jours de ces immeubles sont comptés… Grâce à cela, LoveCityLove a trouvé une niche et nous parvenons à accéder à des lieux assez facilement. Les propriétaires et les agents immobiliers peuvent ainsi faciliter l’accès aux arts en nous permettant d’occuper ces espaces avant qu’ils ne soient démolis. C’est vraiment un système gagnant-gagnant ! Dans un sens, ce que nous faisons illustre parfaitement les changements sans précédent qui affectent le paysage physique et culturel de Seattle. J’aime décrire nos actions comme des sortes de “funérailles à la Nouvelle-Orléans”. Nous aidons à remplir ces lieux de musique, d’art, de danse et de célébrations avant qu’ils ne meurent.

Parlez-nous des différents espaces que vous avez investi jusqu’à présent…

Nous occupons actuellement notre cinquième bâtiment en deux ans. Et chaque d’entre eux a sa propre énergie “résiduelle”. Nous pensons que la terre, la structure et le quartier apportent leurs propres ondes. Le Melrose rappelait la Californie, Pike & Summit avait des airs de la Factory d’Andy Warhol, Azteca était plus dans l’esprit de Miami, 7th & Cherry était un peu comme une dimension parallèle… Quant à notre actuel lieu, Royal Drycleaner, il rappelle le Mystery Spot à Santa Cruz.

Seattle est en pleine transformation actuellement et les loyers augmentent. Quel impact cette situation a-t-elle sur la scène culturelle de Seattle ?

D’un côté, le développement important que connaît Seattle est l’un des ingrédients qui nous a permis d’avoir accès à autant d’espaces inoccupés. Mais, d’un autre côté, dans de nombreux cas, ce développement est la principale raison qui fait que les acteurs culturels n’ont plus les moyens de vivre dans la ville. Tout cela est compliqué. On pourrait penser qu’au-delà d’opportunités de travail, beaucoup de personnes s’installent à Seattle parce qu’elles ont goûté à ce que la ville peut/pouvait offrir : la beauté naturelle que l’on trouve à l’intérieur et autour de la ville, la gastronomie, la musique, les arts, etc. Mais beaucoup de personnes qui rendent la ville aussi géniale sont mis à l’écart. Nous ne sommes pas contre le développement et la croissance, nous souhaitons juste nous assurer que tout le monde puisse faire entendre sa voix sur la manière dont la ville change.

La scène underground est-elle toujours aussi forte ici, comme elle a pu l’être par le passé ?

Il me semble qu’elle est de plus en plus présente ! Les salles et les galeries établies donnent la priorité aux artistes “connus”. A l’inverse, la scène underground apporte un sentiment de véritable découverte. Il s’agit d’une scène éclectique, qui se bat, téméraire, vivante… et en pleine expérimentation !

Cependant, il peut être compliqué de joindre les deux bouts pour les artistes à Seattle ! Par exemple, Capitol Hill était un quartier où habitaient et travaillaient de nombreux créatifs, car les loyers étaient peu élevés dans cette zone. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Alors que de nombreux artistes ont dû quitter la ville à cause du coût de la vie et des villes en périphérie de Seattle sont ainsi devenues des pôles artistiques.

Par ailleurs, les ressources ne sont pas toujours suffisantes pour réaliser nos envies. Malheureusement, cela pousse de nombreux artistes de Seattle à s’orienter vers des villes comme New York ou Los Angeles pour développer leur art. C’est vraiment cela que LoveCityLove tente de combattre. J’espère que cette expérimentation permettra de retenir les esprits créatifs dans la ville en leur fournissant ce dont ils ont besoin localement.

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