Un restaurant du 19e arrondissement à Paris s’écarte des codes habituels de la restauration. Logé dans un squat, géré par des bénévoles et proposant des repas pour presque rien, le Freegan Pony montre que gastronomie peut rimer avec écologie en transformant des produits destinés aux poubelles en de délicieux mets végétaliens.
Aladdin Charin a lancé sa guerre contre le gaspillage alimentaire en novembre 2015 avec l’ouverture du Freegan Pony. Bien plus qu’un choix, la promotion du freeganisme relevait pour lui de la nécessité. La ville avait besoin de cette alternative à l’industrie alimentaire telle qu’on la connaît. Au Freegan Pony, les jours s’enchaînent mais ne se ressemblent pas. Tous les soirs, un nouveau chef se met aux fourneaux et le menu change quotidiennement.
Un espace à l’abandon
L’emplacement du Freegan Pony, sous le périphérique dans un entrepôt à l’abandon, lui vaut déjà une place à part dans le paysage de la restauration parisienne classique. Aladdin explique qu’il a choisi la Porte de la Villette au nord de la ville, coin qu’il décrit comme étant “un peu désertique”, justement parce qu’il voulait apporter de la nouveauté dans un quartier où peu d’initiatives sont prises. Le choix du lieu semble basé sur la même philosophie que le rapport du Freegan Pony à la nourriture : récupérer un espace laissé à l’abandon pour le transformer en quelque chose de non seulement utilisable, mais également d’unique.
A l’intérieur, l’espace de 500 m² paraît à la fois caverneux et douillet. Le mobilier de récup’ et les babioles d’un autre temps donnent au lieu une touche unique entre le salon de grand-mère et le vieux bunker souterrain. L’atmosphère y est détendue et conviviale et la clientèle variée. Le bar propose du vin, de la bière et des sodas à petit prix, mais il paraît aussi possible de ramener sa propre boisson sans problème. A vrai dire, à peu près tout à l’air possible au Freegan Pony.
Un repas préparé avec les invendus du marché de Rungis
Voilà qui est très bien me direz-vous, mais que trouve-t-on dans les assiettes au juste ? Eh bien, les restes du marché de Rungis. Tous les aliments que l’équipe du Freegan Pony arrive à sauver de la poubelle se retrouvent dans le menu composé de trois plats. Le résultat est loin de ressembler à une assiette de tomates racornies sur un lit de feuilles de salade flétries, si c’est ce que vous vous imaginiez.
Vendredi soir dernier, les clients du Freegan Pony ont pu déguster une salade de tofu vietnamienne en entrée, suivie d’un tajine de légumes épicé accompagné d’une purée de chou-fleur et d’une panna cotta infusée au thé avec du cake à la banane en dessert. Mon coup de cœur ? La salade de tofu – quelque chose qu’en tant que vraie carnivore, je n’aurais jamais pensé dire ! Les menus regorgent de saveurs et ravirons les adeptes de nourriture saine. Et, pour ne rien gâcher, les assiettes sont très bien présentées. Aurais-je pu faire mieux avec tout un supermarché à ma disposition ? Peut-être, mais probablement pas.
Pas d’addition
L’originalité du lieu ne cesse de surprendre jusqu’à la fin du repas, où l’absence d’addition ne peut passer inaperçue. Le Freegan Pony fonctionne grâce un système de prix libre, qui donne au consommateur le choix du tarif qui lui paraît le plus juste, celui-ci pouvant même être nul. Cette méthode semble fonctionner : Aladdin avance que ceux qui ont les moyens de payer se montrent habituellement généreux. Il soutient aussi que cette philosophie a l’avantage d’attirer autant les résidents de la Porte de la Villette que ceux du centre de Paris, générant une diversité qui lui tient particulièrement à cœur.
Mais le concept du prix libre comporte certaines limites, évidentes, notamment concernant la somme que l’équipe peut investir dans le projet. Avec la pression exercée par les autorités locales pour que le Freegan Pony déménage, plusieurs éléments laissent présager un avenir incertain. Mais cette précarité, l’impossibilité de savoir si ce petit bout de paradis freegan dans un entrepôt sera toujours ouvert le week-end prochain, participe du charme qui s’en dégage. Aladdin nous a fait l’effet d’un homme imperturbable et déterminé, et lorsque nous lui avons demandé de nous décrire quel genre de personnes se portent volontaires dans sa cuisine, sa réaction s’est résumée en un haussement d’épaule et un simple : “Pourquoi pas vous ?”
Pour plus d’informations ou pour vous porter volontaire et soutenir ce projet, rendez-vous sur la page Facebook du Freegan Pony : https://www.facebook.com/Freegan-Pony-1627473020835867/
Informations :
Place Auguste Baron, 75019 Paris
Ouvert du vendredi au dimanche à partir de 19h30
Sans réservation
Métro : Porte de la Villette (ligne 7)
Conseil : arrivez tôt et prenez un pull
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Photo : Nick Saltmarsh / Alexandra Tindall